Laurent Millet

Il y a chez Laurent Millet un goût pour la méthode. Son travail n'obéit toutefois à aucun système. La part poétique de la méthode prend toujours le dessus et constitue une sorte d'armature qui se donnerait pour la métaphore toute entière de la pensée. D'où cette drôle de présence du «cérébral» dans son art : le parfum de la spéculation est partout mais plutôt que de s'évanouir il se transmute en formes. Le plus souvent des formes simples et massives, denses et noires. Il ne s'agit pas d'objet mais de masses spatiales (Monolithes), de constructions élémentaires (Cabanes), de structures en développement et de processus de repliement (Construire, Déconstruire), d'antimatières (Anti-nuages) et, parfois, de vestiges (Crazannes). Cette part du corpus de Laurent Millet est celle qui le relie le plus à la génération des sculpteurs monumentaux. On pense notamment à Tony Smith pour sa facture minimaliste et la signification allégorique de ses créations. Richard Serra vient également à l'esprit pour l'aspect plus radical encore que l'on trouve dans les Monolithes. Et si l'on voulait aller du côté d'un peintre (et photographe), Ellsworth Kelly ferait un beau parrain de Laurent Millet. Mais derrière le jeu des références, il s'agit bien de tenter de caractériser ce qui se joue dans une part importante de l'?uvre : une expérience permanente du plan. Car Laurent Millet travaille sur le principe de la perception, montrant ainsi que le photographique constitue un espace de travail par le fait même que s'y déploie une vision par plans ? du fait de la régulation perspectiviste que propose la machine optique. Alors que l'?il fait le point, l'optique mécanique planifie la vision ? cet axiome technique permet de regarder le jeu qu'instaure Laurent Millet par la délimitation des formes dans l'espace.  


 


Michel Poivert (extrait du catalogue édité à l?occasion de l?exposition au musée des beaux-arts d?Angers Enfantillages Pittoresques, éd. Filigranes)