Textes

«Aux Cards, regardant par la fenêtre en juin dans le brouillard à 7 h du matin : les Iroquois sont de ce côté-ci, les Hurons de ce côté-là ; on entend parfois les flèches perdues qui sifflent (et bien sûr, les tambours de guerre). Parfois c?est, au fond des bois, des légions hurlantes, dans les Panonnies. J?ouvre les volets là-dessus.»
Pierre Michon

Dans ces jours de juillet, ceux d?août, de novembre 2010 et de janvier 2011, aux Cards, ce trou perdu du sud-ouest de la Creuse, étrangement c?est le gris qui m?entourait. Un gris lourd, chargé, humide, la lumière ne vint pas, ne vint jamais. Même en plein été le ciel tombait. Un écrivain est né là, en 1945, Pierre Michon. Ce gris je l?ai bien évidemment pris pour le gris du texte, ses livres et ses mots que nous échangeons depuis presque dix ans par satellite (uniquement), des courriels, des sms, des mots qui volent. Cette série qui se déploie sous vos yeux est le résultat de cette correspondance avec l?écrivain, un des préférés. Elle croise son univers et mon expérience de lectrice, elle se nourrit de nos échanges et de notes qu?il m?avait envoyées. Elle est en gris et en rouge. Elle est grise et vermillon. Elle est comme tachée de petites blessures, de petits signes... Les gambettes s?écorchent dans les broussailles qui entourent la maison. C?est le rouge de l?égratignure, le rouge de l?édition originale du Gilles de Rais de Georges Bataille que Michon possédait évoquée dans Vies Minuscules, le rouge des « Lucky Strike » (celle de 1931 de William Faulkner), le liseré rouge de la collection blanche Gallimard, le rouge des carnets où l?écriture peine parfois à venir, le rouge des baies, le rouge des phares de la golf, le sang du lapin que l?on tue volontairement par dépit ou sans raison, le rouge des zinnias, le rouge? La maison devient un totem autour de laquelle j?ai tourné inlassablement dans une sorte de danse photographique en sandales ou en bottes aigle. Les images incantent le passé, le sien, le mien. Rêve d?indiens, de guerre de Troie... La promenade devient croisade. La maison est toujours dehors, la porte ne s?ouvrira pas. La recherche (du temps perdu) est précise, minutieuse, elle explore la matière même des textes: la matière grise, les mots, les choses, les paysages s?y mélangent pour nous laisser apercevoir, au travers des images, le murmure de la langue.
Anne-Lise Broyer

Cette série a été réalisée entre 2010 et 2011 en Creuse avec le soutien de LaMétive (Lieu international d?art contemporain) et co-produite par le Musée de La Roche-sur-Yon

Enfance vers Mâcon, elle intègre à 19 ans, l?École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris puis l?Atelier National de Recherches Typographiques. Cette formation l?amène notamment à interroger la relation qu?entretient la photographie avec les autres arts. Se situant dans une pratique singulière de la photographie, empruntant volontiers les sentiers du graphisme, du dessin et de l?écriture, elle cherche par cette hybridation à mettre en place une sorte de littérature photographique essentiellement tournée vers la publication. Parallèlement, elle a collaboré pendant plusiseurs années avec le musicien-chanteur, Rodolphe Burger au sein du label Dernière Bande, avec le cinéaste André S. Labarthe, en tant que commissaire de l?exposition Le Chat de Barcelone, Maison d?Art Bernard Anthonioz (Nogent-sur-Marne), avec Nicolas Comment et Patrick Le Bescont, elle a créé la collection de livres d?artistes Saison? Ses ouvrages sont publiés aux éditions Filigranes, aux éditions Nonpareilles et aux éditions Verdier. Une Histoire sans nom a reçu le Prix d?aide à l?Édition aux Rencontres d?Arles 2002. Elle expose régulièrement en France et à l?Étranger. Actuellement pensionnaire à la Casa de Velázquez, Académie de France à Madrid, ses oeuvres se trouvent notamment dans les collections du Musée de La Roche-sur-Yon, dans les Artothèques de Grenoble, La Roche-sur-Yon, Pessac, L?Imagerie à Lannion, La Passerelle à Gap et viennent d?intégrer celles de la Bibliothèque nationale de France.

Anne-Lise Broyer

Vermillon

samedi 1 - mercredi 26 septembre 2012

La galerie particulière

11, rue du perche 75003 Paris