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DOMINIQUE DE BEIR OU LE RETOURNEMENT

Depuis plusieurs années Dominique De Beir a engagé un travail dont les axes sont à la fois de l’ordre du pictural, du volume et pose la question du processus de réalisation. Le trait récurrent de son travail est la mise en abime d’un geste répétitif de perforation : Dominique De Beir perfore et creuse toutes sortes de surfaces «pauvres» (papiers, cartons, polystyrène...) à l’aide d’instruments pointus – poinçons, stylets, scalpels, échelles à pointes, chaussures cloutées... – à l’origine empruntés à différents secteurs d’activité, mais aujourd’hui conçus et réalisés par l’artiste en collaboration avec des artisans.
Bousculant le vocabulaire de la peinture (support, matière, couleur) par l’aléatoire du geste et de la trace, elle cherche à se concentrer sur des notions d’inscription et de marquage, entre surface et profondeur, dont elle explore l’impact physique, la densité, le rythme. Usant de la perforation parfois jusqu’à la limite de la résistance du matériau, elle joue sur une ambiguïté inhérente à son geste entre composition et destruction, opacité et transparence, stabilité et fragilité.
Le relief des perforations pourrait s’apparenter à une sorte d’écriture braille, offerte au toucher autant qu’au regard : «De façon imprévisible, la découverte du braille m’a poussé à développer des expériences basées davantage sur les perceptions tactiles et haptiques que purement optiques, la relation au toucher est devenue essentielle, le corps, la main, ont pris le pas sur l’oeil impuissant à voir et à lire».
Même si aujourd’hui le travail de Dominique De Beir n’est plus véritablement lié à une sorte d’écriture improbable, travailler “à l’aveugle” est devenu une manière de faire incontournable.
«Les perforations déployées avec frénésie sont une volonté de désarticuler le réel, de le dupliquer et d’essayer de jouer avec son envers. Les cahiers, les feuilles, les caisses en carton deviennent des éléments démultipliables et réversibles.»
Pour Dominique De Beir, le sens de l’oeuvre tient plus d’un processus que d’une représentation déterminée. Créer est assimilé à une performance qui a lieu dans la solitude de l’atelier mais dont l’oeuvre arrive comme la proposition d’une expérience à revivre.
Dans ses dernières peintures «Zone», le spectateur est confronté à une forme d’aveuglement, à un on n’y voit rien ou j’aperçois quelque chose. Les surfaces peintes dans des tonalités de gris et de bleus argents, striées de manière répétitives, puis creusées de petites brûlures arrivent comme une butée pour l’oeil. Ces plans écrans sont comme des réceptacles captant l’environnement extérieur, un réel fait d’ombres et de flous, d’éblouissements et de scintillements.
C’est dans ces oppositions, dans ces contraires et ses antagonismes «... la violence, de son action, qui parfois blesse son corps armé d’outils qui attaque les supports posées au sol, et la légèreté – du résultat, d’une grande délicatesse ; du dehors et du dedans, du visible et du caché, de ce qui a existé et de ce que l’on devine, du masculin et du féminin...»1 - que se révèlent peu à peu toutes les subtilités du travail de Dominique De Beir.

Dans le cadre de son exposition personnelle à La Galerie particulière, une publication avec un texte de Charles Pennequin, « TROU TYPE (étude de caractère) » sera éditée par les éditions Friville.

1. Lucile Encrevé, historienne et critique d’art, Dominique Be Beir ou le retournement, in Semaine 39-09 n°212.

Dominique De Beir

Dominique De Beir, une mise à Jour

jeudi 14 octobre - dimanche 14 novembre 2010

La galerie particulière

16, rue du perche 75003 Paris