Anne-Lise Broyer

Quand on l'interroge sur sa relation aux êtres et aux choses, Anne-Lise Broyer déclare que c'est en lectrice qu'elle aborde le monde. Elle va plus loin en prétendant que l'expérience de la photographie se confond avec celle de la lecture. Son oeil circulerait dans le paysage de la manière dont il circule dans le livre. Elle ajoute, en citant Hervé Guibert, que la pratique de la photographie n'a d'intérêt pour elle que précisément dans la résistance qu'elle éprouve à son égard, dans cette façon rétive, prudente de la pratiquer. Là où l'écrivain sortirait son carnet, Anne-Lise Broyer sort son appareil et fabrique une image. Paysages ou portraits, natures mortes... en noir et blanc le plus souvent. En jouant sur une gamme étendue de gris, on dirait qu'elle cherche à montrer ce qui vient à la lumière, au jour. Et parfois ce n'est ni ceci ni cela, c'est la lumière elle-même, qui poudroie ou aveugle. Elle souhaite faire du lieu de révélation que représente la photo l'analogon d'un espace mental où quelque chose prendrait corps, un souvenir, une réminiscence ou une vision, un fantasme. Qu'elle ne soit pas tant soucieuse d'enregistrer une réalité existante que de saisir un processus l'amène logiquement à questionner d'autres arts : le cinéma bien sûr, mais aussi la peinture, le dessin, la gravure... Elle s'en inspire pour nourrir un imaginaire mais aussi, pour interroger la nature du réel, comme si une image fabriquée, une image de l'art, pouvait tout autant servir de sujet ou de prétexte à son art, que tel arbre ou tel animal vivant dans telle forêt. Il n'en demeure pas moins que son attachement à la littérature conditionne un amour du livre, et qu'elle voit dans celui-ci un lieu d'épanouissement pour son travail. Faire dialoguer les images entre elles, constituer des séries, jouer sur les formats, les silences, les blancs, les rythmes... tout cela lui importe. C'est comme une scénographie en miniature, dont on retrouve l'expression agrandie dans le cadre de l'exposition. Le travail d'Anne-Lise Broyer véhicule une part de mystère, mais peut-être que son secret ne réside pas tant du côté de la chose vue que du côté de celui qui regarde.

Avec la collaboration de Pascal Gibourg