Grégory Markovic

« Nuage » : nom masculin (de nue),

- Ensemble de particules très fines d'eau liquide ou solide, maintenues en
suspension dans l'atmosphère par les mouvements verticaux de l'air et dont
la saturation et la condensation peuvent entraîner la chute de précipitations.
- Tout ce qui forme une masse légère, de forme indécise et comme en
suspension : un nuage de poussière.
- Par extension, tout ce qui offusque la vue et qui empêche de voir
distinctement les objets : ce qui voile, dérobe à la vue et à l'intelligence.
- Menace plus ou moins précise : avenir chargé de nuages.
- Chagrin, trouble qui se peint sur le visage : un nuage passa dans ses yeux.
- Ciel sans nuages, ciel pur : avenir sans inquiétude.

                                                                               (Dictionnaire Larousse)

Depuis la reconnaissance au XIXème siècle du paysage comme genre autonome en peinture, les ciels et plus particulièrement les nuages ont pris une place primordiale comme sujets à part entière et éléments structurants d'une composition picturale. L'étude et la compréhension des phénomènes climatiques au début de ce siècle - avec la naissance de la météorologie comme science en 1803 - ont encore augmenté l'intérêt que les artistes pouvaient leur porter. Ces derniers n'auront alors de cesse de se tourner vers le ciel et d'essayer de restituer aussi fidèlement que possible non seulement la forme des nuages, mais également ce qui est leur caractéristique première : le mouvement perpétuel de ces masses vaporeuses aux contours flous et instables.
L'imaginaire lié aux nuages répondait également aux rêveries romantiques autour du lointain, de l'infini et de l'indéterminé. Dès les oeuvres d'un Constable ou d'un Turner, les ciels sont liés à l'intimité et aux sentiments. Décrire le changement continu, c'est aussi traduire les incessants tourments de l'âme : la Nature comme reflet des passions de l'Homme.
Les ciels de Grégory Markovic se situent en partie dans cette double recherche : descriptifs d'une nature en renouvellement constant, mais également projection de nos propres passions.

Mais prendre le nuage comme simple sujet tel que l'entreprend cet artiste peut sembler être un acte de bravoure. Car l'« objet-nuage » en lui-même s'avère loin d'être facile à maîtriser ? sa nature même est de l'ordre de l'insaisissable.
D'autant plus que, chez Grégory Markovic, les nuages se concrétisent paradoxalement par soustraction de matière : le fusain noir, appliqué en couches épaisses sur toute la surface du papier blanc, puis brossé et unifié par le passage répété de feuilles calques, est ensuite partiellement gommé, poncé, retiré, jusqu'à laisser apparaître la sensation d'un motif.
Les formes naissent de l'obscurité : l'artiste dit qu'il « creuse jusqu'à la lumière ».

Aussi les dessins de Grégory Markovic ne relèvent-ils pas du « graphique ». Ses oeuvres existent tels des espaces libres, quasi indéfinis, nébuleux, comme s'il s'agissait de lieux, ni ouverts ni fermés, où le regard déambule sans repères, perdu dans ces « nulle part ». D'un peu plus près, d'un peu plus loin, l'oeil est retenu et s'attarde sur cette étonnante matière constituée tant de la lourde couche originelle de fusain que de son estompe ou de son effacement.

« Formes-fantômes » flottant sur le papier mais qui prennent corps par variations des couleurs et vibrations des matières au gré de nos déplacements.