160,5 x 72 x 61,5 cm - avec vitrine
Pièce unique
54 x 47 x 41 cm
Pièce unique
Image : 98 x 74,5 cm
Edition de 3 + 2 Épreuve d'artiste
30 x 25 x 37 cm
Pièce unique
Presentation
Céline Cléron mène une pratique de recherche à la fois mémorielle, historique, encyclopédique et archéologique. Ses pièces émergent d?une rencontre entre des souvenirs souvent liés à son expérience personnelle, à son enfance et à la découverte d?un objet, d?un mot, d?une histoire enfouie. Les matériaux utilisés sont aussi fragiles et précieux que ses réminiscences ? résultat d?une sensation, d?un jeu, d?un saisissement. Une bulle de verre est soufflée dans une clé ; les poignées en plastique d?une corde à sauter sont remplacées par des bois de cerf ; des dessins à l?encre sont tracés sur la fine peau de ballons de baudruche ensuite éclatés ; un navire ancien fait du toboggan ; des yo-yo sont réalisés à partir de fossiles d?ammonite ; des coiffes de religieuses sont transformées en cocottes en papier géantes.
Le plus souvent, Céline Cléron travaille en collaboration avec des artisans pour réactiver des techniques et des gestuelles en voie de disparition. Elle s?appuie ainsi sur les compétences d?un souffleur de verre, d?une couturière, d?un céramiste, d?un apiculteur lui-même aidé de ses ouvrières ailées. La Régente (2010) est le fruit de plusieurs corps de métiers : la ruche (une collerette) est présentée sur un réseau de tubes de Plexiglas. Le tout a été minutieusement sculpté par des abeilles au sein de leur propre ruche. Entre découvertes et transmission, l?artiste crée des passages poétiques et humoristiques entre différents territoires, différentes histoires. Elle explore les mémoires qu?elle s?emploie à réunir à travers une ?uvre sensible et fascinante.
Julie Crenn
Biographie
Née en 1976 à Poitiers. Vit et travaille à Paris.
FORMATION
1998
DNAP avec les félicitations du jury, Ecole Régionale des Beaux-Arts, Poitiers
2000
DNSEP, Ecole Supérieure des Beaux-Arts, Angers
EXPOSITIONS PERSONNELLES
2015
Solo show, Le Parvis, Centre d?Art Contemporain, Tarbes. , April-June, 2015
2014
La Chapelle du Genêteil, Centre d'art contemporain, Château-Gontier (avril)
2013
La Galerie Particulière, Paris (octobre)
2012
Episode 2: Céline Cléron, Middlemarch, Bruxelles, Belgique
2011-2012
Antiquités tardives, Musée archéologique Théo Desplans, Vaison-la-Romaine
2011
Rétroprojection, résidence de création, Ecole primaire Jean de la Fontaine, Labastide St Georges, sur une invitation de l'AFIAC, Tarn
2010
La dénature, Ecole des Beaux-Arts de Poitiers
2009
La Vitrine, Galerie Frédéric Giroux, Paris
Filatures, Galerie LJ, Paris
2006
Galerie Bortier, Bruxelles
2004
La Halle, Espace d'art contemporain, Pont-en-Royans
Rince-Doigts, Galerie Premier Regard, Paris
2000
Les corps gras ne savent pas nager, Eespace des Récollets, Château du Loir
EXPOSITIONS COLLECTIVES
2014
Céline Cléron / Barbara Noiret, Ecole Supérieure des Beaux-Arts, Angers (janvier)
Lumières: carte blanche à Christian Lacroix, Musée Cognacq-Jay, Musée du XVIIIe siècle de la Ville de Paris
La science à l?oeuvre, Centre d?Art Contemporain de Pontmain. With Hicham Berrada, Mircea Cantor, Céline Cléron, Hubert Duprat, Laurent Duthion, Vincent Fournier, Aurélien Froment, Carsten Holler, Giuseppe Penone, Martine Aballéa
Sonitus perterget Silentium malleis, Millefeuilles, Hangar 30, quai des Antilles, Nantes
Sur/Nouvelles Narratives, Curator Gustavo Urruty, Fernelmont Contemporary Art 2014, Château de Fernelmont, Namur, Belgium
Le verre vivant, MUDAC, Musée de Design et d?Arts Appliqués Contemporains, Lausanne
L?origine des espèces, Russell Pick, 8 rue Saulpic, Vincennes. With Marion Auburtin, Jean-Luc Bichaud, Céline Cléron, Sylvie Fajfrowska, Anthony Freestone, Kevin Frobert, Laure Tixier, Barbara Puthomme
La part des anges, Galerie Maubert, Paris, with Bertille Bak, Sara Favriau, Charle-Henri Fertin, Atsunobu Kohira, Irina Rotaru, Payram
Tresses 13 & 14, Curator Yves Sabourin, Maison des Tresses et Lacets, La Terrasse sur Dorlay
Tresses 13 & 14, Curator Yves Sabourin, Made in Town / Atelier, Paris
Art Paris Art Fair 2014, Grand Palais, Paris, with La Galerie Particulière
2013
Chambre à part VII, From Dark to Light, Tour de Londres, Londres, Commissaires Laurence Dreyfus et Karen Marr (13-23 mai)
Passeur, Galerie White Project, Paris / Galerie Odile Ouizeman, Paris, Commissaire Caroline Messensee (8 juin - 20 juillet)
Si l'art de la parure m'était conté, Château du Rivau, Lémeré (jusqu'au 11 novembre)
Sculptrices, Villa Datris, Fondation pour la sculpture contemporaine, L'Isle-Sur-la-Sorgue (jusqu'au 11 novembre)
L'art s'emporte, Présentation des nouvelles acquisitions de l'Artothèque, depuis 2011, Médiathèque François Mitterrand, Poitiers (jusqu'au 29 juin)
Drawing Now! Paris, Carrousel du Louvre, Paris
Futur antérieur, Céline Cléron / Sabine Pigalle, LE3 Maison Saint-Honoré, Paris, Commissaire Marc Donnadieu (18-24 mars)
Faire avancer les méandres, Galerie Michel Journiac, Paris. Commissaire Guillaume Constantin. Avec Vincent Mauget, Jean-François Leroy, Jennifer Douzenel, Guillaume Constantin (19 février - 8 mars)
Sculptrices, Villa Datris, Fondation pour la sculpture contemporaine, L'Isle-Sur-la-Sorgue (26 avril - 11 novembre)
2012
Family & Friends, Backslash Gallery, Paris
Edouard et Cléopâtre, Egyptomanies depuis le XIXe siècle et XXe siècle, Villa Empain - Fondation Boghossian, Bruxelles, Belgique
Fernelmont Contemporary Art, Château de Fernelmont, Namur, Belgique, commissaire: Gustavo Urruty
Trophées, curiosités et autres mauvais genres, Paul-Louis Flandrin accuille Anywhere Galerie, Paris. Commissaire Alain Coulange
Passeur, Künstlerhaus / galerie Bäckerstrasse 4, Vienne, Autriche, commissaire: Caroline Messensee
2011-2012
Un rêve d'éternité, le Temps long des Arts d'Orient, Villa Empain, Fondation Boghossian, Bruxelles
2011
Les 10 ans de Premier Regard, Bastille Design Center, Paris
Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse, Maison Guerlain, Paris
Prix Maif pour la Sculpture, exposition des nominés, Le Bal, Paris
Desiderata, commissaires Alexandra Loewe et Kai-Duc Luong, Galerie Yukiko Kawase, Paris
Le Bestiaire de Sèvres, Château de Rambouillet, Rambouillet, commissaire Claude d'Anthenaise, directeur du Musée de la Chasse et de la Nature, Paris
2D/3D, commissaire: Caroline Smulders, Galerie Joseph, Paris
Arco, foire d'art contemporain, Madrid, avec la Galerie Mor-Charpentier, Paris
2010
Carnets d'inspiration+, Exposition et vente aux enchères d'oeuvres réalisées à partir de carnets Moleskine, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
Merci de ne pas faire la chambre, Le Général Hotel, République, Paris XIe (avec Guillaume Constantin, Manon Tricoire, Vincent Mauger)
Or du temps, Maison parisienne, Plaza Athénée, Paris
Bee Natural, Maison Guerlain, Paris
+ si Affinités: Fantasmagoria, le monde mythique, AFIAC, Fiac, Tarn
L'art selon elles, Espace Culturel les Dominicaines, Pont-Lévêque
10% de Sèvres, Galerie de la Cité de la céramique, Paris
Sèvres aujourd'hui, Créations contemporaines au Musée de l'Ermitage , Saint-Petersbourg, dans le cadre des Années croisées France-Russie, Russie
2009
Feux Continus, Musée du Grand-Hornu, Belgique
Fils croisés, Galerie LJ, Paris
Semaine du dessin 2009, Manufacture Nationale de Sèvres, Sèvres
1,2,3...Hypnos, Galerie Defrost, Paris, commissaire: Hervé Ic
2008-2009
Manufacture Nationale de Sèvres : La Conquista della Modernita, Musée du Capitole, Romepuis Museo Internazionale delle Ceramiche de Faenza, Italie
2008
Au lit avec mon artiste « l?exposition », Général Hotel, République, Quartier Bercy Square, Quartier Bastille Le Faubourg, Paris
Galerie LJ Beaubourg, Paris
Le mot chien ne mord pas, exposition organisée par Caroline Smulders, Galerie Joseph, Paris
The white patch has become darkness, Galerie HO, Histoire de l??il, Marseille
Sélection de dessins, Collection Florence et Daniel Guerlain, services culturels de l?Ambassade de France, New-York
Galerie Hambursin-Boisanté, Montpellier
D?après Nature, Musée des Beaux-Arts, Dunkerque
2007
La Manufacture Nationale de Sèvres, Grimaldi Forum, Monaco
Le Loft éphémère, Galerie de la Manufacture de Sèvres, Palais Royal, Paris
Métamorphoses du Végétal, Galerie Sabine Puget, Château Barras
Bêtes de Style, MUDAC, Musée de Design et d?Arts Appliqués Contemporains, Lausanne
2006
Zoo, La Centrale Electrique, Bruxelles
Dessins, Collection Florence et Daniel Guerlain, Les Mesnuls
2005
Watch this Space, Hospice d?Havré, Tourcoing
« Serendipity ou la productivité du hasard » Console / Galerie Frédéric Giroux, Paris
2003
Jeune Création, Grande Halle de la Villette, Paris
2002
Première vue, Passage de Retz, Paris
Art ou Nature, Jardin du Luxembourg, Paris
Courant d?Art, Etablissement Elie de Brignac, Deauville
Jeune Création, Grande Halle de la Villette, Paris
1999
Orangerie, Limoges / Maison du Limousin, Paris
Vis-à-vis, Hôtel Huger, La Flèche
1998
Hybridation et commensalité, Château de Oiron, Oiron
PRIX / BOURSES / RESIDENCES
2011
Nominée pour le Prix Maif pour la Sculpture 2011
Résidence de création, Ecole primaire Jean de la Fontaine, Labastide St Georges, sur une invitation de l?AFIAC, Tarn
2010
Résidence dans le cadre de l?événement + si Affinités, AFIAC, Fiac, Tarn
2005
Aide individuelle au projet / Département de l?Art dans la ville, Direction des Affaires Cutlturelles, Paris
2004
Résidence dans le cadre des Fermades à la Ferme du Clos, Châtelus
1999
Lauréate du concours Jeune créateur, organisé par le Conseil Général de la Haute Vienne, Orangerie, Limoges / Maison du Limousin, Paris
ARTISTES INVITEE ET POSTES DE PROFESSEUR
2012
Workshop, Youth Center « La Courte échelle », Vaison-la-Romaine
2011
Workshop, Poitiers School of Fine Arts (May)
Workshop, Poitiers School of Fine Arts (March)
Elementary School, Labastide St Georges
2010
Visual presentation, Poitiers School of Fine Arts
2004
La Halle Contemporary Art Center, Pont-en-Royans
2003
Domaine de Kerguéhennec, Contemporary Art Center, Bignan (Morbihan)
2001
Domaine de Kerguéhennec, Contemporary Art Center, Bignan (Morbihan)
CATALOGUE D'EXPOSITIONS
2013
Slicker #6, texte de Julie Crenn, avril 2013
Observatoire de l'art contemporain, Nina Rodriguez-Ely décrypte Futur Antérieur, mars 2013
2011
Bêtes Off, éditions du Patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2011
Un rêve d?éternité, le Temps long des Arts d?Orient, Villa Empain, Fondation Boghossian, Bruxelles
Qu?importe le flacon, pourvu qu?on ait l?ivresse, Maison Guerlain, Paris
Céline Cléron : la dénature, 1er catalogue personnel, publié par l?Ecole des Beaux-Arts de Poitiers, aux éditions Burozoïque
+ si Affinités : Fantasmagoria, le monde mythique, AFIAC, Fiac, Tarn
2D/3D, exposition organisée par Caroline Smulders, Galerie Joseph, Paris
2010
Carnets d?inspiration+
Bee Natural, Maison Guerlain, Paris
L?Art selon elles, Espace Culturel les Dominicaines, Pont-Lévêque
2009
Feux Continus, La Manufacture Nationale de Sèvres au Grand-Hornu, éditions Bookstorming
Ils s?exposent pour la vie, 100 artistes à l?Hôtel de Ville de Paris
2008
Sèvres ? La Conquista della Modernita, éditions courtes et longues
D?Après Nature, Direction des Musées de Dunkerque, Collections & Dialogues
Dessins, New-York 2008, Collection Florence et Daniel Guerlain
2007
Métamorphoses du Végétal, Galerie Sabine Puget, Château-Barras
Galerie Bortier 2006, Galerie Bortier, Bruxelles
Watch this Space, 50° Nord, Tourcoing
Bêtes de Style / Animals with Style, MUDAC, Lausanne, Suisse, 5 Continents Editions
2006
Dessins, Collection Florence et Daniel Guerlain, Les Mesnuls
2005
Salon du Cinquantenaire, Montrouge
2003
Catalogue Jeune Création, Grande Halle de la Villette, Paris
2002
Première vue, Passage du Retz, Paris
Art ou Nature, Jardin du Luxembourg, Paris
Catalogue Jeune Création, Grande Halle de la Villette, Paris
ARTICLES DE PRESSE
Actualités, Futur Antérieur, Mylène Vignon, Saisons de culture, mars 2013 (internet)
Une oeuvre à l'Artothèque, Construction #1: une cornette facétieuse, Marie-Julie Meyssan, Poitiers Mag, N°206, avril 2013, p.34
Céline Cléron et sa religieuse « cocotte », Centre Presse Poitiers, 7 août 2012
Passeur, Vernissage N°303, Vienna, February-March 2012
Premier Regard Fête ses dix ans, Roxana Azimi, Le Quotidien de l?art, numéro 19, jeudi 3 novembre 2011
Enivrant, exposition Guerlain, Béatrice Boisserie, M le magazine du Monde, 29 octobre 2011
Pas si bêtes? Connaissance des Arts N°695, Valérie Bougault, juillet-août 2011
Drôles de Bêtes, le Nouveau Paris-Ile-de-France, juin 2011
Agenda Paris-Ile-de-France, Elle décoration, Mai 2011
Paris Art Show gives « Buzz » a New Meaning, Claudia Barbieri, The New York Times, 14 octobre 2010
Sortir, supplément Poitiers Magazine, octobre-novembre 2010
Le petit monde de René-Jacques Meyer, Marie-Claire Maison, avril 2010
Hornu, un hiver de porcelaine, agenda Monde, Air France Magazine, décembre 2009
Feux Continus, Architectures à vivre, novembre-décembre 2009
Sèvres coule dans leurs veines, Paris Match, Hélène Kuttner, juillet 2009
Expo d?Après Nature, La Vie, juin 2008, C.M
A letto con l?artista, Alessandra Fanari, Kult Magazine, 2008
Elle Décoration, Hors-Série « Spécial Anniversaire » Soline Delos, janvier 2008
« D?Art & de Culture » , Monaco, 2007-2008
Eine Ausstellung im Lausanner Designmuseum Mudac, Roman Hollenstein, Neue Zürcher Zeitlung, 2007
Zoomania et jeu de miroir, Françoise Jaunin, 24 Heures, 12 octobre 2006
Céline Cléron, Brupass, 2006
La jeune scène artistique s?expose à l?Hospice d?Havré, Lille Métropole Info N°27, décembre 2005
Art à la ferme, Complément d?Objet 125, Ministère de la Culture et de la Communication
Allégories animalières, André Rouillé, Paris-Art.com, 27 février 2003
En demi-teinte, Michel Nuridsany, Le Figaro, 2003
COLLECTIONS
Mudac, Lausanne
Sèvres, Cité de la Céramique
Artothèque, Poitiers
Ecole primaire Jean de la Fontaine, Labastide St Georges
Premier Regard, Paris
Collections privées
Expositions
Textes
Filer la métaphore
La figure d?une jeune fille, fraîche comme un de ces blancs de calices
qui fleurissent au sein des eaux, se montra couronnée d?une ruche en mousseline froissée
qui donnait à sa tête un air d?innocence admirable.[1]
Marcus Gheeraerts le Jeune, d?origine hollandaise mais ?uvrant en Angleterre, peint en 1614 le portrait d?une dame de cour, vêtue d?une somptueuse toilette élisabéthaine et dont la main aux doigts gantés et effilés retient nonchalamment un gant de toile fine. Nue, l?autre main est pudiquement dissimulée sous l?un des pans d?une première robe, entrouverte. Un bracelet de perles encercle son poignet. Soigneusement tirée, la nappe qui drape la table contraste avec la composition ouvrée de la parure : la riche broderie du costume de cour, la coiffe de fine dentelle et la collerette translucide qui enserre le cou se détachent sur des plans neutres. L?arrière-plan est uniformément noir. À la droite du personnage, une lourde tenture au ton rouge cadre la scène, dans la tradition du portrait de cour. Une couronne de fleurs printanières nimbe une indication de date : 12 mars 1614. Juste au-dessous, une seconde inscription : No Spring Till now. Cette dernière épigraphe jette un voile de mystère sur ce portrait, le situant dans un moment non encore advenu mais, surtout, le faisant basculer dans une autre dimension, plus dramatique. Elle est proche de l?épitaphe. Pourtant, la peinture commémorerait un mariage, probablement celui de la fille du modèle, elle-même comtesse de Pembroke[2]. Elle se situe dans un contexte de transmission symbolique de la faculté d'engendrer que scelle tradionnellement cet événement. La passation du pouvoir (pro)créateur est une méthode ? confier à autrui ? mais aussi une thématique, aussi évanescente que prégnante, de l??uvre de Céline Cléron.
La bande étroite de tulle que porte la comtesse de Pembroke est appelée collerette ou fraise, mais aussi, depuis le début du XIXe siècle, « ruche », par analogie entre le dessin créé par ces froncements et les alvéoles de la gaufre de cire. La polysémie de ce mot, Céline Cléron la découvre au hasard dans un dictionnaire illustré, juxtaposant le schéma légendé de l?abri aménagé pour les abeilles et le portrait d?une femme arborant une telle collerette. La Régente est née de cette affinité formelle et porte le nom de celle qui se substitue, un temps, à la Reine mère, seule femelle pondeuse des essaims d?abeilles. Quand elle ne préside pas à la perpétuation de la colonie jusqu?à orner symboliquement le manteau impérial, l?abeille incarne l?ouvrière par excellence. Selon un principe qui se retrouve ailleurs et qui lie savamment art et artisanat, Céline Cléron lui délègue la réalisation de l??uvre, qui ici se dessine d?elle-même, du moins selon les lois, parfois hypothétiques, de la nature. Peu à peu, la substance parfumée du miel se love dans les linéaments plissés de l?ornement de corsage. C?est au travers de sculptures, d?objets et, plus récemment, d??uvres photographiques ou filmiques, que s?exprime Céline Cléron, bien qu?elle entretienne un rapport intime avec la peinture. Créée au rythme de la vie de diverses colonies, La Régente vise à devenir une série, un ensemble, au nombre des hommes assistant, fascinés, à La Leçon d?anatomie du docteur Tulp, immortalisée par Rembrandt.
L'artiste s?attelle à déchiffrer, à voir dans les images d?autres images. Une cocotte amidonnée vient, sans effraction, se substituer dans Construction # 1 à la cornette d?une religieuse. La bien-nommée Construction # 2 reprend symboliquement la structure de La Flagellation du Christ de Piero della Francesca, la percée en perspective de l?arrière-plan et la conversation tripartite des personnages au-devant de la scène. Céline Cléron décadre puis recadre, introduit comme une anomalie dans les images.
La rencontre incongrue, chère à Maldoror, gouverne nombre de procédés créatifs de l?artiste, marquée en particulier par Bicycle Seat Covered with Bees de Meret Oppenheim et imprégnée de l?esprit surréaliste. Une image se superpose ou se confronte à une autre, sur le mode de la trouvaille hasardeuse ou bien par réminiscence. Ce que Céline Cléron a lu, ce qu?elle a vu sont autant de sources d?inspiration. Mais aussi les gestes qu?elle a accomplis. Tel le souvenir d?avoir joué enfant à faire des bulles de savon à l?aide d?une clef. « L?esprit qui plonge dans le surréalisme, écrit André Breton, revit avec exaltation la meilleure part de son enfance[3]. » Pour Fabula, l?artiste a symboliquement fait appel à un souffleur de verre, dont la méthode de création présente des similitudes avec le procédé du jeu lui-même. Une bulle s?échappe de l?anneau d?une clef. Toute en verre, par similitude avec la transparence de l?eau, la sculpture matérialise un procédé, sa forme porte en elle ce qui l?a fait naître. Mais parfois, elle se rétracte, l?artiste faisant subir quelque transformation à ses matériaux. Bien qu'elle se présente, aperçue à quelques pas, comme une succession de taches colorées aux contours aléatoires, la série Seules les pyramides ne fondent pas au soleil fait également appel au souffle. Inspirée par des images extraites d?encyclopédies de médecine, de vieux Larousse ou par les ?uvres de l?histoire de l?art, telle la Méduse du Caravage ou quelque danse macabre du XVIIe siècle, l'artiste dessine sur un ballon de baudruche gonflé puis soudainement le perce. Dans cet éclatement, le dessin rapetisse. En un clin d??il facétieux à l??uvre de Philippe Favier, Céline Cléron multiplie ainsi les miniatures, dont le format accroît le potentiel poétique. Dans ce monde-là, le squelette de l?homme donne la main à celui du singe. Mais le processus de réduction comporte aussi une dimension sacrificielle, l?image est littéralement capturée, définie par le geste par lequel le ballon éclate, tandis que la macule qui reçoit le dessin est épinglée tel un trophée.
Les procédés établis ou les conditions posées par Céline Cléron peuvent être des tentatives pour provoquer « quelque chose » mais elles sont aussi, en elles-mêmes, des contenus. Des motifs se détachent, apparaissant parfois en négatif, ceux qui montrent l?action de l?homme sur la nature. C?est le cas du Silence des sirènes, titre emprunté à une nouvelle de Kafka. Frappée par une image présentant un coquillage conique criblé de trous réguliers, Céline Cléron a été conduite à réactiver un procédé mécanique de création des boutons de nacre, qui a persisté jusque dans les années 1950 : elle a obtenu l?autorisation de remettre en marche une machine à vapeur du musée de la Nacre et de la Tabletterie dans la Somme, ancienne usine réalisant des objets en matériaux précieux, machine qui perforait des coquillages et ce faisant débitait des pions de nacre. Photographié sur un fond uniformément noir, le coquillage transpercé provoque un brouillage visuel, les cercles réguliers créés par la machine semblant venir au-devant du spectateur, tels des trous noirs devenus positifs. Cette confusion fondée sur l?absence de matière, Céline Cléron s?en joue lorsque, pour sa participation à l?exposition Merci de ne pas faire la chambre[4] en décembre 2010, elle réalise des patins de feutre équivalents dans leur forme, leur quantité et leur agencement spatial aux trous du coquillage, patins installés dans la baignoire de la chambre d?hôtel, tel le reflet projeté de la photographie. Les patins de feutre isolent et coupent le son comme les trous pratiqués dans le coquillage lui retirent sa résonance, le rendent muet. Et ce silence subi peut être « une arme plus terrible encore que [le] chant[5] » des Sirènes. Kafka déstabilise dans sa nouvelle éponyme la posture héroïque d?Ulysse, auquel les Sirènes opposent l?extinction de leurs voix. Facétieuse parfois, l??uvre de Céline Cléron acquiert une dimension narrative. Elle met en branle l?imaginaire. D?autant que l?artiste se réfère bien souvent à des gestes, des techniques et des objets disparus, qu?elle réactive. L?ensemble de ses travaux se situe dans un temps indécidable.
La présence animale confère ailleurs une dimension satirique à l??uvre. Un bestiaire se déploie qui doit autant à l?univers des fables qu?au topos du « monde à l?envers ». Dans une vidéo de 2004, la chèvre lèche le loup, du moins l?effigie du prédateur, changée en statue de sel. Ce monde sens dessus dessous est tout aussi propice à la démesure. Espiègle, l?artiste convoque des procédés de l?humour imagé, comme l?anthropomorphisation et les jeux d?échelles ou de mots. Ainsi de l??uvre Nature permanente : un saule pleureur subit une véritable mise en plis, gagne tout au moins un certain ressort grâce à de gigantesques bigoudis, tandis que ânes et chevaux se voient, dans Quadrille,anoblis de plumeaux de quelque garde royale, en réalité plumeaux à dépoussiérer. L'objet utilitaire se transforme, se déleste de sa fonction première, il est dénaturé. Une forte dimension ludique infléchit l'?uvre : le jeu peut être un motif, un processus créatif, enfin un état d'esprit. Mais il est rarement une fin en soi. Il ne fait que partager avec l'art un pouvoir de projection, au principe de l'analogie, consistant à voir en tout état des choses d'autres possibilités. Céline Cléron bouscule l?ordre inscrit du monde qui l'entoure, déjoue ou au contraire rappelle avec force détournements les lois de la nature. Et ce, dès lors que le jeu consiste à agir de telle façon dans le but d'obtenir telle ou telle forme ou effet, parfois difficilement prévisible.
+ l?infini procède d?une analogie de formes. L?assemblage d?instruments de mesure, règle et rapporteur d?écolier, légèrement disproportionnés, dessine le hiéroglyphe djet, qui signifie « éternité » et qui correspond à la nuit, pensée comme linéaire. Or la métaphore file car l?image d?un serpent est aussi un des éléments de ce signe, qui surplombe une demi-lune et l?horizon de la terre : si le serpent désigne dans l?Égypte ancienne la mesure du temps, il imprime ses courbes à une règle graduée qui perd ainsi sa rigide linéarité. Rien n?est droit dans la nature. Si ce n?est ce qui a été forgé par l?esprit et la main de l?homme. Dans le même temps, c'est à cette dernière que Céline Cléron confie ses désirs de reconquête de l'enfance, cette nécessité d'en découdre, précisément, avec les habitudes visuelles et les habitudes de pensée.
En même temps qu?elle tisse des liens entre les choses, les signes et les images, Céline Cléron déploie une poétique liée à l?apprentissage et à l?initiation. La « petite catastrophe » provoquée dans Seules les pyramides ne fondent pas au soleil crée un changement d?état, ramène l??uvre à un statut nouveau, marqué ici par sa taille. Cette économie de geste est ailleurs confrontée à des savoir-faire, fondés sur la transformation des matériaux : verre soufflé, céramique ou production de miel. Comme l'animal, l?air et le feu sont vecteurs de métamorphoses. Mais la dimension initiatique se retrouve aussi dans les outils, motifs et procédés qui hantent l??uvre : ceux qui ont trait aux métiers de couture. Les Travestis substituent à l?étalon de mesure d?un buste idéal les formes généreuses de quelque mammifère. La réduction des ballons fait appel à un outil qui pique : aiguille, pointe ou épingle. Dans Filature, Céline Cléron retourne comme par conjuration les piquants du cactus contre lui-même, laissant se dérouler depuis ses aiguilles autant de bobines de fil. Instruments à la fois d?attachement et de défense, les épingles sont les éléments d?un rite de passage. L?ethnologue Yvonne Verdier[6] a dégagé toute la symbolique initiatique des travaux d'aiguille, dont les jeunes filles prépubères devaient faire l?apprentissage auprès de leurs aînées et qui marquaient leur accession au statut de femme. Dans ce thème de la passation du pouvoir (pro)créateur, se faufile aussi celui de l'amour. Une tradition populaire, encore en usage au XIXe siècle dans certaines régions françaises, veut que les garçons fassent la cour aux jeunes filles, en leur lançant des épingles, de même que les filles jetaient des fibules dans les fontaines pour s?assurer un amoureux. L?enfilage de l?aiguille, percée d?un chas, est plus symbolique encore de cette initiation sexuelle. Facteur d'accès à un nouvel état, l?aiguille est ce qui pique mais aussi ce qui raccommode, recoud, répare. La Leçon d?anatomie est une leçon de choses. Les épingles servent à attacher ou à fixer des éléments souples. Elles sont, comme le fil qui se déroule, des liens. Trois fils de coton, symboliquement terminés en anneau, s?enroulent autour de pivots qui rejoignent deux moitiés de fossiles d?ammonites, par analogie formelle évidente avec le yo-yo. Ce jeu d?adresse, initialement appelé « émigrette », porte en son mécanisme même sa symbolique, un mouvement de détachement et de retour sur soi-même. Au nombre de trois, ces yo-yo marqués par le processus de fossilisation incarnent pour Céline Cléron les Parques romaines, divinités du Destin. Ces trois s?urs mesurent selon leur bon vouloir la vie des hommes : l?une préside à la naissance en filant, la seconde au mariage en enroulant, enfin la troisième à la mort? en coupant le fil. Intimement nouées, les étapes de l?existence cultivent le mythe de l?Éternel retour. De fil en aiguille, Céline Cléron tisse un écheveau de trajets liés les uns aux autres, son ?uvre dessine une trame imprégnée d?antiques croyances. Elle tend un fil d?Ariane.
Mais qu'advient-il lorsque la couturière ou la fileuse s'empare de l'épingle de l'entomologiste ? Ou bien quand le collecteur d'insectes en vient à planter ses aiguilles dans le bracelet porte-épingles de la confectionneuse ? Mémento amoureux ou vanité ? La délicatesse de la porcelaine de No Spring Till now, de 2007, n?a d?égale que la dimension sacrificielle de son sujet : temps suspendu, à jamais arrêté. Le cours inexorable des choses a été stoppé dans son élan. Abeille, papillon et autre libellule ne connaîtront pas le printemps, ou le connaîtront toujours. Car, dans le sacrifice, il y a nécessairement offrande.
Danielle Orhan, mars 2011
[1] Honoré de Balzac, « La Maison du chat-qui-pelote », La Comédie humaine, 1. Études de m?urs : scènes de la vie privée, 1, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1951, p. 20-21.
[2] Cf. Oliver Millar, « Marcus Gheeraerts the Younger : A Sequel through Inscription », The Burlington Magazine, vol. 105, n° 729, décembre 1963, p. 533.
[3] Manifeste du surréalisme, Paris, éd. du Sagittaire, 1924, p. 63.
[4] Merci de ne pas faire la chambre, du 14 au 19 décembre 2010, chambre n°10 du Général Hôtel, République, Paris, Association Dernier Avertissement.
[5] Franz Kafka, Le Silence des Sirènes, in ?uvres complètes II, traductions par Claude David, Marthe Robert et Alexandre Vialatte, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1980, p. 542.
[6] Cf. Yvonne Verdier, « Le Petit Chaperon rouge dans la tradition orale », Le Débat, n° 3, juillet-août 1980, p. 31-61.