Pierrick Naud

Théâtre Naud


 


Le théâtre de Pierrick Naud se décline en une multitude de scènes animées de figures plus ou moins fantomatiques. Théâtre d'ombres ou plutôt de clairs-obscurs. Pierrick Naud dessine. Au départ essentiellement en noir et blanc (magnifique utilisation du blanc du papier, en réserve, équilibres fragiles des pleins et des vides), le dessin incorpore désormais de la couleur qui apparaît de façon fort subtile, aussi discrète qu'efficace.

Les lignes, enlacées, superposées, les surfaces, travaillées de façon à façonner des volumes, jouent sur tous les plans. Avant-scène, fond de scène et coulisses. Le regard, happé dans les profondeurs du dessin, s'attarde.

Le monde pénètre l'oeuvre par un jeu de copié-collé, découpes et superpositions de figures extraites du réel, plus ou moins transformées. Ni réalisme, ni fantasmagorie pure. Plutôt un regard attentif mais distant, parfois amusé, jamais cynique, appliqué au tumulte environnant des images.

Auteur, compositeur, interprète, Pierrick Naud a inventé une langue qui emprunte à d'autres, on reconnaît ici ou là dans ses mélopées, des morceaux de mots, rien qui puisse se traduire littéralement... pourtant l'on comprend ce langage. Il en est de même des dessins. Formes informes déformées. Images brouillées, récits cryptés... néanmoins quelque chose se dégage d'une drôle d'histoire presque vraisemblable. Une chose à la fois étrange et familière.

Cette économie singulière n'est pas ascèse mais exégèse. Pierrick Naud se méfie des images, de leur diffusion-circulation-utilisation-interprétation-instrumentalisation. Il triture ces figures pour faire ressortir une multitude de postures possibles. Théâtre, scène, jeu, fiction. Ni plus, ni moins que dans le réel, semble-t-il nous dire. Il les découpe et les combine, amusé et vigilant. Il se méfie du pouvoir de la «distraction». Ses masques exorcisent le pouvoir aliénant du spectacle généralisé. Le trop plein d'images dans le monde, leur foisonnement dans l'oeuvre de Pierrick Naud, nous renvoient brutalement au vide, à l'absence. Ses oeuvres deviennent alors de vastes compositions où les figures se font grinçantes et grimaçantes comme celles de danses macabres. Figures dé-figurées c'est-à-dire détournées de leur vocation première, de leur usage courant, qui recomposent un vaste paysage où chacun peut pénétrer et s'enfoncer avec l'incertitude de se perdre. Le regard se trouble.


 


Olivier Delavallade, février 2009